L'Intrite

Publié le par Lafer Boualem

L'INTRITE


Depuis gamin, j'ai toujours entendu parler del'Intrite et malgré Jules ferry qui a eut la gentillesse de m'inscrire à l'école communale, j'ai mit une éternité ce qu'était une retraite. Bien sûr, nous avions froid sur les plaines russes quand la retraite sonna pour Napoléon. Ce n'était qu'un cours d'histoire et la conséquence directe depuis que nos ancêtres habitaient des huttes en bois.

Les parents habitaient un joli gourbi avec vue sur les vignobles du colon. Mahmoud a eut une enfance que l'on pourrait qualifier d'heureuse malgré le barbelé qui entourait son aire. Le père, ancien des stalags nazis, parlait toujours des zadouhoume, cette augmentation de l'Intrite qu'en tant qu'ancien combattant, il y avait droit.

L'air de la Mitidja était pur depuis que les colons ont creusé un tunnel sous le tombeau de Séléné, la fille de Juba II qualifiée de Chrétienne. Désormais, les mécréants ont élevé des Ziggourats de cranes humains à la gloire d'un asiate, poète peut-être dans ses délires, mais...

L'Intrite fut le dernier des soucis de Mahmoud jusqu'au jour où une administration orwellienne lui mit la main sur le col. Ce fut deux mille huit ans après la naissance de Aïssa. Mahmoud vit aujourd'hui bien en dessous seuil de pauvreté.

C'était au temps où la jeunesse niquait dans les halls d'immeubles de Paris, en ce printemps soixante huit que Mahmoud reçut le matricule deux cent soixante huit à la prison militaire de Boufarik.

Boufarik, une ville d'orangerais et un collège mixte avec six mois de vacances en cette année soixante deux, avec fuite en do majeur de l'internat. Les années d'euphorie passèrent très vite avec des croyances en déclin. Le vendangeur était toujours vendangeur et Mahmoud pointeur notait d'une croix la journée de travail sur la carte héritée de Djermaine dont le domaine Ste Louise dominait de ses deux mille hectares la plaine.

Au-dessus du village de Montebello, le tombeau de la Chrétienne, que d'aucuns, en quête d'identité bérbérisante baptisèrent en Séléné veillait sur la gourbitude environnante jusqu'à Marengo, ce village du bout de plaine où la mère de l'Etranger y est enterré. Le militaire était roi et ce qui devait arriver arriva. Le colonel occupa les palais de la capitale en cette veille du solstice d'été. Il se fit refaire ses dents et, souriant, il apparut sur l'unique chaîne de télévision ponctuellement à l'heure de la rupture du jeûne.

La mitraillette était là sur la table à la portée de Mahmoud. La gendarmerie, héritage colonial était à quelques pas du piémont. Les chemins qui menaient vers les terres tribales de Mahmoud étaient là. Le gendarme entra en coup de vent et s'empara de la Kalachnikov.

C'est un samedi, en fin de matinée que la Land Rover s'arrêta devant une villa d'apparence commune. Menottes aux poignées, Mahmoud découvrit un couloir. Sur la droite un bureau ; Amchich, un soldat analphabète trilingue prit la relève du gendarme. Il ordonna à Mahmoud de se déshabiller et fouilla ses habits avec un intérêt particulier pour les coutures. Avant de l'autoriser à s'habiller, il lui demanda de se plier en deux et tousser. Mahmoud n'expulsa qu'un pet nauséabond. Sa mémoire olfactive lui rappela les topinambours au mouton que la grand'mère excellait à cuire sur son kanoun au charbon de bois. Amchich lui offrit une paillasse en crin végétal, une couverture sale et l'accompagna vers une salle commune où une douzaine de regards l'accueillirent. La plupart en treillis militaire, Mahmoud était le deuxième civil. Et ce fut l'heure de la promenade. Les détenus utilisaient le terme français, avec bien-sûr l ‘accent nécessaire aux rêves de liberté.

Et ce fut la lente ascension vers Hamlili, le hameau des ancêtres maternels dans la tête de Mahmoud. Il sortait de l'appartement situé à la périphérie de la ville, au-dessus de sa tête, un grillage organisait les nuages en ce mois de décembre alors qu'Amchiche organisait nos demi-tours dans la petite cour. Trois pas en avant, trois pas en arrière ; des milliers de pas pour remonter l'avenue de la Gare qui mène au centre ville. Au mille cinq centième pas, au bout du boulevard des Orangers, juste au niveau des Galeries de France, un copain s'apprêtant à se taper un moitié-moitié chez Seksiko, le café en vogue de plaste ettoute, la place des mûriers anciennement place d'armes.

La rue Tirman s'élongeait jusqu'à l'école Casenave et Bab-Errahba. C'est de là que généralement, assis en amazone sur ânes ou mulets les oncles de la tribu des Beni-Salah remontaient vers leurs origines. Arrivés à Sid-el-Kebir, là où Ricci prélevait son eau pour ses moulins, la montagne se referme en une gorge qui préserve d'une venue intempestive.

Sous le grillage de la cour de prison, Mahmoud avançait dans sa tête. A main droite, l'ancienne Patte de Chat, un vieux bordel que les colonels ont transformé en commissariat de police. Dans sa tête il baissa la tête et s'engouffra dans le sentier étroit qui mène à l'oued. Il lui fallait sauter de pierre en pierre pour ne pas mouiller ses chaussures au vernis incertain, avant d'attaquer la montée vers Mimèche.

Mimèche, une belle colline dominant la ville des roses, Blida, que l'armée française a décoiffé pour un regard sur l'Atlas. Mahmoud, dans sa tête escaladait le chemin sinueux quand Amchiche décida de la fin de la promenade. Les douze retrouvèrent leur paillasse et les angoisses qui vont avec.

‘Ammi Mohamed a traversé la guerre d'indépendance sans trop d'accros. Voisin de paillasse de Mahmoud, il lui expliqua le métier de marchand de fruits et légumes à El Biar, un quartier chic d'Alger. C'était le deuxième civil. Son drame : être beau-frère d'un dirigeant de la révolution évadé des geôles du colonel.

Le mois de janvier fut froid. Le bain se prenait dans le bassin qui trônait au milieu de la cour. Le rituel était à point. Dans un premier temps, casser la glace avant de gesticuler pour se réchauffer. Plonger dans l'eau, se faire frotter avec un crin et enfin se faire sécher par un compagnon. Tout cela ne prenait que quelques minutes. Abd el Ghaffar, un ancien des services qui avait fait ses écoles en Egypte et en R.D.A. psalmodiait les versets du coran, debout devant l'étagère en béton qui courait le long des murs de la cellule.

Cantiner ensemble était un acte de solidarité. Chacun y allait, qui de sa tomate, qui de son concombre ou du paquet de cigarettes. Le partage était de règle. Les visites étaient rares et les gardiens avaient aussi faim que les détenus. Un poulet auquel il manque une cuisse n'était pas rare.

A la porte de la prison, une dame assise en tailleur, tête baissée, enrobée dans son haïk attendait l'ouverture des portes. La mère de Mahmoud dans sa grande mansuétude déposa devant elle une pièce de vingt centimes en guise de vœux. La mère de youcef acquiesça l'aumône.

Youcef, professeur de son état dans un lycée technique n'a pu se rendre au rendez-vous qu'il avait avec Mahmoud dans un café maure de Berouaghia, petit village des hauts plateaux sahéliens. Quarante huit heures, il faut tenir quarante huit heures. Les clients jouaient aux dominos. Le double six bloquait tout issue. Le café maculé d'une goutte de lait était tiède. Mahmoud engoncé dans un burnous qu'un Kabyle militant lui prêta décida de descendre un peu plus au sud vers Boghari.

Berouaghia, une clémence dans une immensité d'alfa avec Baya, la fille du juge que Mahmoud aima du regard en ces va et vient du bus qui les protégeait. Tous les quartiers périphériques de la ville étaient témoins des promesses. Baya s'en fut vers d'autres horizons quand Mahmoud, les bras liés par des bracelets de fer ne pu l'étreindre.

Tout cela pour parler de l'Intrite, cette invention infantilisante proportionnelle au flétrissement des koleos, ces boules intercoxa


Hellenni avait fetlite ezzine, cette torsion de l'œil qui fait la beauté du regard. Mahmoud s'est perdu dans le clin d'œil

 

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